Eau et assainissement : faites donc confiance aux premiers de cordée municipaux !

Publié le par André Chassaigne

 Le 30 janvier dernier, le temps était venu de l’examen du texte traduisant l’engagement pris par le Premier ministre et le Président de la République devant le Congrès des maires. Grâce à la très forte mobilisation sur le terrain des élus, en particulier des élus ruraux, le front très large contre le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement a réussi à faire bouger le Gouvernement et la majorité : je m’en félicite. Est-ce à dire, comme la communication gouvernementale veut le faire croire, que les élus locaux ont été respectés et les engagements tenus ? Non, il s’agit plutôt d’un os que l’on laisse à ronger aux frondeurs !

 En effet, nous sommes encore et toujours confrontés au mur de l’intransigeance. Notre demande est pourtant simple et légitime : il s’agit de laisser la liberté aux communes de décider ou non de ce transfert. Cette liberté ne doit pas être une liberté encadrée, transitoire, limitée : ce doit être une liberté communale pleinement respectée. Or le contenu du texte adopté ce 30 janvier ne répond toujours pas à cette exigence fondamentale.

 

 Avant d’en venir au contenu précis de la proposition de loi, je ne peux manquer de revenir sur la façon très particulière que Gouvernement et majorité ont de respecter la représentation nationale. Après l’épisode assez déplorable du 12 octobre dernier, quand la proposition de loi, adoptée par le Sénat, affirmant le principe d’un transfert optionnel, fut renvoyée de façon expéditive en commission, la ministre auprès du ministre de l'Intérieur, Madame Jacqueline Gourault avez souhaité qu’un travail collectif soit mené par des députés et des sénateurs de toutes sensibilités. Or le groupe GDR – que je préside – n’a pas été convié à participer à cette prétendue expérience de renouveau démocratique, pas davantage que le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste du Sénat ! 

 La rapporteure de la proposition de loi adoptée le 30 janvier dernier à l’Assemblée n'a pas manqué d'insister à nouveau sur le fait qu’un consensus avait été trouvé. Mais ce n’est pas une pratique très honnête que d’exclure a priori celles et ceux qui s’étaient mobilisés et auraient eu beaucoup de choses à dire sur le sujet, à partir de ce qu’ils vivent concrètement sur le terrain. Il est vrai que cela aurait rendu impossibles les éléments de communication diffusés à propos des « avancées » contenues dans cette proposition de loi. Ne laissons donc pas dire que cette proposition de loi est le fruit d’une réflexion transpartisane ou d’un consensus : c’est faux. Certains nagent dans le mensonge comme un poisson dans l’eau !

 

 Venons-en au fond.

 

 Gouvernement et majorité se sont arc-boutés sur l’idée selon laquelle le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement serait une bonne chose pour nos concitoyens et pour l’ensemble de nos collectivités territoriales. Tous leurs propos en commission comme en séance convergent sur ce point : il ne faut pas remettre en cause la loi NOTRe, il ne faut pas remettre en cause la loi NOTRe ! Et pourtant, elle totalement inadaptée et incohérente en matière de gestion de l’eau et de l’assainissement, puisqu’elle veut transférer de force des compétences aux nouvelles intercommunalités, au détriment des modalités de gestion construites patiemment et avec intelligence sur le terrain, par les élus municipaux, au service des usagers. Vous le savez, avec les députés communistes, nous nous étions opposés à ce dispositif introduit dans la loi NOTRe – comme à l’ensemble de cette loi, du reste. J’avais réitéré notre opposition lorsque nous avons débattu de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne en 2016.

 L’article 1er de cette proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale permettrait donc aux communes appartenant à une communauté de communes n’exerçant pas les compétences eau et assainissement de s’opposer au transfert obligatoire de ces compétences, à condition que 25 % des communes membres, représentant au moins 20 % de la population, le rejettent. Il s’agit donc déjà d’une liberté communale conditionnée. Certes, c’est une première avancée, mais nous considérons que ce n’est pas satisfaisant.

 D’autant plus que cet article ne s’arrête pas là. Il impose désormais que ce transfert de compétence soit effectif et définitif dans tous les cas en 2026. Quelle hypocrisie ! Pourquoi 2026, si ce n’est pour renvoyer la patate chaude aux personnes qui seront élues en 2022 ? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Comme l’écrivait Corneille : « Le temps est un grand maître, il règle bien des choses » !

 

 Mais surtout, je crains que cette liberté communale à durée déterminée ne traduise une vision bien plus réactionnaire. Gouvernement et majorité considèrent que les élus locaux ne sont pas suffisamment compétents, intelligents ou conscients des enjeux pour comprendre l’intérêt du transfert de compétence. Lorsqu’ils l’auront finalement « compris » – le mot a été utilisé devant la commission des lois –, lorsqu’ils verront combien est vertueux ce qu’on leur impose sans concertation depuis des années, alors ils l’accepteront ! Ce raisonnement témoigne d’un grand mépris envers des élus qui travaillent chaque jour à répondre concrètement aux besoins locaux, avec des moyens toujours plus contraints par les politiques  d’austérité !

 Je suis comme eux. Sans aucun doute, je manque moi aussi d’intelligence. Je n’ai toujours pas « compris » l’intérêt objectif d’ôter arbitrairement des compétences qui sont exercées dans d’excellentes conditions par des communes en régie directe ou des syndicats intercommunaux fondés sur les caractéristiques propres de chaque bassin versant et sur une coopération librement consentie. Je le redis donc, sur cet aspect tout particulièrement, la loi NOTRe est mauvaise. Et ce n’est pas un totem ! À moins que des intérêts privés supérieurs ne soient cachés derrière les rédacteurs et les défenseurs de cette mauvaise loi ?

 C’est pourquoi il apparaît indispensable de poursuivre la mobilisation pour accorder aux municipalités la possibilité de maintenir ces compétences au niveau communal sans référence à un transfert obligatoire en 2026. C’était tout le sens des amendements que j’avais déposés avec les députés communistes sur ce texte. C’est aussi tout le sens de l’engagement en circonscription, que nous poursuivons avec mon suppléant Eric Dubourgnoux, en associant très largement élus locaux et citoyens.

 

 J’appelle donc Gouvernement et majorité à faire preuve d’un peu de courage politique, plutôt que de continuer à justifier l’injustifiable sous de faux prétextes, quand ce n’est pas sous la pression du lobby des industriels de l’eau en quête de nouveaux marchés de délégation au niveau intercommunal !

 Mesdames et Messieurs les marcheurs, faites confiance aux « premiers de cordée municipaux », qui connaissent parfaitement, par expérience, les réseaux d’adduction, les besoins des habitants, et offrent d’ores et déjà aux usagers un service de distribution de l’eau de qualité et à un prix inférieur aux prix pratiqués en cas de délégation de service public. Ne restez pas scotchés à l’ancien monde libéral et autoritaire. N’imposez pas. Respectez plutôt la liberté des communes et de leurs choix de coopération : c’est la seule voix de raison.

Eau et assainissement : faites donc confiance aux premiers de cordée municipaux !
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