Les jolies colonies de vacances
Les centres de vacances, que l’on appelait alors « colonies », ont rythmé pendant des décennies la saison estivale de nombreuses communes rurales, apportant animations, emplois saisonniers et surplus d’activité pour les commerces locaux. Ils faisaient aussi fructifier des liens durables entre cités urbaines et petites communes rurales, population des villes et habitants de nos villages.
Progressivement, « les jolies colonies de vacances » de nos campagnes ont disparu pour des lieux plus attractifs, en bordure de mer ou « vraie » montagne, ou pour proposer des activités nouvelles, notamment sportives ou culturelles. Difficultés financières et administratives aidant, la volonté politique de villes, comités d’entreprises et associations de maintenir ces séjours s’est aussi souvent diluée au profit d’aides directes, d’achat de places dans des organismes extérieurs, jusqu’au choix final d’abandonner parfois ces accueils collectifs de mineurs. D’autres ont cependant tenu bon, conscients de l’immense apport éducatif et social de ces structures, tant pour les enfants accueillis que pour les jeunes adultes encadrant.
Mais un coup terrible a été donné, en 2010, à la pérennité des « colos » par la Cour de justice de l’Union Européenne, sur demande d’organisations syndicales, pour que les emplois d’animations soient alignés sur le droit commun, en terme de salaires et temps de repos.
Pour avoir été personnellement un « pratiquant » des centres de vacances comme « colon », animateur puis directeur, je mesure le désastre : séquençage de la journée avec la succession d’animateurs différents, fractionnement des activités, impossibilité de mettre en œuvre des séjours itinérants, difficultés accrues pour les séjours maternels ou adaptés aux enfants en situation de handicap… Mais aussi explosion des coûts, renforçant l’exclusion au départ en vacances, et déséquilibres financiers des organismes du tourisme social et associatif… Sans oublier la perte du sens de l’engagement des jeunes dans l’animation, transformés désormais en salariés soumis à la réglementation du travail, au même titre que les emplois professionnels de l’animation, qui concernent des domaines différents sur des missions pérennes. Au final, sont occultés ainsi l’apport si particulier des centres de vacances en terme de prise de responsabilités éducatives et sociales et tout un apprentissage de la vie de citoyen (ne). Mais peut-être faut-il avoir vécu soi-même ces périodes d’enthousiasme et de bonheurs partagés, fréquenté ces espaces de construction personnelle, pour intégrer cette dimension « hors cadre » ?
Voilà pourquoi, je me suis engagé avec conviction pour un statut de « Volontaire de l’Animation », évidemment indemnisé avec protection sociale et droits à la retraite, à l’instar du service civique ou du statut de pompier volontaire. Réservé aux organismes sans but lucratif, le volontariat de l’animation serait aussi un rempart à la marchandisation des « jolies colonies de vacances », marchandisation qui serait signe d’exclusion pour les plus modestes, d’abandon des objectifs éducatifs, et qui porterait un coup fatal à une contribution au renforcement du lien social, si nécessaire en ces temps de repli sur soi et perte de repères.
Chronique publiée dans le journal La Terre.