Un bouclier rural pour les services publics, toujours d’actualité ?
La France a un atout considérable : depuis 1945, ses territoires ruraux ont pu bénéficier de la présence forte des services publics. Grâce à cette présence dynamique, la République s’est enracinée dans chaque parcelle de nos territoires. Cet héritage de notre histoire, cette conquête sociale, a permis à chacun de nos concitoyens d’accéder à des droits fondamentaux : l’éducation, l’énergie, les transports ou la santé, mais aussi la justice, le logement ou l’emploi. Cette politique, en apportant une réponse aux besoins humains, est aussi un facteur déterminant pour un aménagement harmonieux du territoire et pour la vitalité économique et sociale des campagnes françaises.
Ce développement bénéfique subit depuis trente ans les coups de boutoir des libéraux de tous bords. L’interminable cortège des déréglementations, des suppressions de postes, des coupes budgétaires et des privatisations mettent en danger notre France rurale. Les choix politiques du précédent Gouvernement, avec notamment la Révision Générale des Politiques Publiques, la carte scolaire, la carte judiciaire, les réformes de l’hôpital, ont ainsi considérablement affaibli la présence territoriale des services publics. Parallèlement, si les services administratifs en ligne sont un outil facilitant les démarches de nos concitoyens, ils ne peuvent continuer à être conçus comme alibi de la suppression des moyens humains sur les territoires.
Dans cette optique, Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, avait déposé, en février 2011, une proposition de loi « pour l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir ». L’article premier de cette proposition de loi posait le principe selon lequel « l’État garantit la proximité et l’égal accès des citoyens aux services publics, fondement de la cohésion sociale et territoriale de la République sur l’ensemble du territoire ». Elle défendait notamment le principe d’un « bouclier rural » contre la tentation de remplacer les services de proximité par leur version numérique, déshumanisée. Le rapporteur du texte, le député socialiste Germinal Peiro, le défendait en ces termes dans l’hémicycle : « Il n'existe aucun raisonnement juridique, ni aucune considération de fait, qui justifie que les citoyens résidant dans l'espace rural se trouvent contraints à des relations administratives déshumanisées se limitant à un site informatique ».
Tout en soulignant les limites des propositions avancées, j’avais défendu à l’époque l’essentiel de ces dispositions. Cette proposition était d’autant plus pertinente qu’il existe une fracture numérique, tant au niveau géographique avec des zones considérées non rentables par les différents opérateurs et sans accès au haut débit, qu’au niveau des capacités des personnes, les plus âgées notamment, n’ayant pas les mêmes facilités que les plus jeunes pour « surfer sur le net ».
Néanmoins, et malgré le changement de gouvernement, il s’avère que l’on favorise toujours le télé-déclarant, en supprimant, par exemple, les envois papier, ou en s’appuyant régulièrement sur les dispositifs de télédéclaration ou de relation à distance pour poursuivre dans les politiques de suppression de postes et d’emprises territoriales des services publics. Alors que l’égalité des territoires est un objectif affiché du Gouvernement, la nouvelle majorité est-elle toujours prête à instaurer un bouclier rural ?
Chronique publiée dans le journal La Terre.
Explication de vote sur la proposition de loi "pour l'instauration d'un bouclier rural au service des territoires d'avenir" - Mars 2011